L’histoire du haut-fourneau et l’héritage colonial

Le haut-fourneau est une technologie, reposant sur l’utilisation d’un four-cheminée, permettant la transformation du minerai de fer, présent dans la nature sous forme oxydée, en alliage que l’on appelle la fonte, c’est-à-dire du fer mêlé à du carbone à hauteur d’au moins 2 %.

Les premières expériences de transformation du minerai en fonte dans de grandes installations dateraient du premier siècle de notre ère et se seraient déroulées en Chine. Un transfert de technologie vers l’Europe, quoique probable, n’a jamais été confirmé. Quoi qu’il en soit, les historien.ne.s font remonter au Moyen Âge la mise au point du haut-fourneau tel qu’on le connaît, autour du XIIe siècle, en Scandinavie. De là, la technique a essaimé dans toute l’Europe pour se généraliser vers le XVe siècle.

Il est important de comprendre à quel point il a pu s’agir d’une rupture technologique vis-à-vis de son ancêtre le bas-fourneau. Rendant obsolète les autres méthodes de production de fer métal, le haut-fourneau a permis à l’Europe de s’enrichir rapidement en exportant un métal de bonne qualité et fabriqué à bas coût. Notamment, la production de fer en Afrique, où la technologie du haut-fourneau ne s’était pas développée en raison des guerres et aussi de la faible disponibilité de bois charbonnable, a totalement cessé, étant non rentable. Les sociétés africaines, alors fracturées entre ceux qui s’enrichissaient en faisant commerce de fer avec les Européens malgré l’esclavage et ceux qui le refusaient, ont été profondément meurtries par cette réalité dont la situation de colonialisme économique et administratif actuel n’est que l’héritage.

Comment fonctionne le haut-fourneau ?

Le haut-fourneau est basiquement un four-cheminée permettant de faire réduire (au sens physico-chimique de réduire son degré d’oxydation) et fondre le minerai de fer.

Le charbon, utilisé comme combustible dans le procédé a en fait ici trois rôles très importants et distincts :

Le haut-fourneau est composé de plusieurs parties. A la base de la cheminée, le creuset via un rétrécissement évoquant un goulot de bouteille, permet de recueillir le métal en fusion. Au-dessus du creuset, on fera entrer un air chaud et sec dont l’oxygène permettra la réaction avec le charbon vers le monoxyde de carbone CO, réducteur du minerai de fer. On chargera au-dessus de cette arrivée d’air une alternance de couches de charbon et de couches de minerai de fer (avec un fondant) qui vont descendre au fur et à mesure de la fusion du métal et de la combustion du charbon. Le fondant, classiquement du calcaire, permet de protéger les gouttes de fer d’une réoxydation lorsque le métal fondu passe dans le flux d’air entrant. Ce matériau viendra ensuite simplement flotter sur le fer liquide sous forme de scories et on pourra l’en séparer aisément.

La mise en fonctionnement du haut-fourneau requiert une grande quantité d’énergie, mais une fois monté en température, le four peut maintenir la température et la combustion avec une quantité modeste de charbon. En effet, lorsque le haut-fourneau fonctionne à plein régime, le charbon, descendant le long de la cheminée depuis son chargement dans une couche élevée, est déjà très chaud et très sec lorsqu’il atteint le four (tout comme l’est le métal) et très peu d’énergie est nécessaire pour l’enflammer.

Cette technologie nécessite un fonctionnement, et donc une attention, continu.e car un refroidissement peut rendre l’installation définitivement inutilisable par obstruction avec du métal solidifié.